Je me lève dans la nuit et j'ai la chance d'apercevoir le Baïkal qui brille sous la pleine lune a quelques dizaines de mètres. C'est splendide.
6 juillet
Nuit difficile, car la couchette du haut n'a pas de hauteur sous plafond, on ne peut pas s'asseoir, donc contraint de rester allongé. Un gamin que je surnomme « l'emmerdeur » (ci-contre) crie volontiers pour s'exprimer. Sa grand mère lui fait ingurgiter des grands bols de nouilles dans l'espoir de le faire dormir.
J'ai juste le temps de courir faire une photo de la gare de Tchita et de son église. (ci-dessous)
Les arrêts sont mis à profit pour faire quelques achats de nourriture dans les « producti ».
Il me semble que les passagers rythment leur mode de vie dans ce transport sur l'heure de Moscou. Le régime alimentaire pour moi reste frugal mais suffisant : pain et saucisson de bœuf, nouilles déshydratées cuites dans leur barquette de polyéthylène avec l'eau brûlante du samovar, thé.
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J'observe les villages russes à travers la vitre sale et en relevant le petit rideau blanc qui la barre à mi hauteur. Ils se ressemblent d'un bout à l'autre de ce pays. Des maisons en bois grisé par l'age parfois aux encadrements de fenêtre colorés en bleu ou vert, sont blotties derrière des palissades de planches dressées verticalement ou cachées par un bouquet de jeunes bouleaux. Souvent un jardin potager très bien tenu, plus ou moins vaste complète le tout.
De nombreuses gares présentent une vieille locomotive à vapeur. Certaines d'entre elles ont du tracter des convois vers le goulag. J'aperçois à Amazar un amoncellement incroyable de vieilles loco à vapeur.
7 juillet
Je perds un peu la notion du temps, car j'ai laissé ma montre sur l'heure de Moscou. La voie emprunte une vallée assez large et verdoyante. Au loin il y a un orage dont le rideau de pluie et les éclairs sont bien visibles. Il fait une chaleur lourde, la pluie sera agréable à recevoir.
La voie va longer le frontière chinoise quand même distante de plusieurs kilomètres. Autrefois les rideaux des wagons étaient baissés. Nous longeons dans l'après midi un important dispositif d'antennes radio qui s'étire comme une longue toile d'araignée sur un ou deux kilomètres.
Les militaires commencent à se réveiller. Il y a des appelés d'un peu partout dans ce wagon. Y compris un gars de Saint Petersbourg qui parle quelques mots d'anglais. Ils partent dans un régiment de chars un peu avant Vladivostok. Leur service durera sept mois. Ils ont entre 18 et 22 ans.
Un couple avec un petit gardon blond très sage et un chien très tranquille quittent le train dans une petite gare. Une fille en rose assez revêche discute avec une autre femme également revêche. Elles ont une petite bataille de territoire pensant occuper un espace provisoirement libre.
La route que j'aperçois parfois assez longuement me nargue. Certaines portions sont flambant neuves avec de belles glissières métalliques et des panneaux de signalisation bleus.
De nouveaux passagers embarquent. Ils vont sur Khabarovsk (ci-contre, la gare). « Ingue » noue le dialogue avec moi. Les russes sont toujours intrigués par les étrangers. Elle vend des produits cosmétiques chinois et voyage pour le buisseness.
-Pourquoi voyagez vous? me demande t elle.
Comment lui expliquer en sabir anglo-russe que c'est pour suivre un vieux rêve, se tenir en équilibre à l'extrême pointe d'un continent...
Thomas et Gustav rechargent leur téléphone portable sur l'unique prise de ce coté du wagon. Ils ont une vingtaine d'années chacun, sont suédois et vont également sur Vladivostok. Nous parlons longuement en anglais de tout. Ils viennent de Moscou. Leur voyage en train durera 8 jours et 7 nuits. Ensuite ils partiront vers le japon , puis le Vietnam, le Laos et la Thaïlande avant de rentrer chez eux à Malmo. Je leur parle du grand pont de Malmo que j'ai traversé l'an dernier. Ils habitent à coté. Le monde est petit.
Gustav et Thomas | Nicetsea, Olgfa, Thomas, Gustav |
8 juillet
Au petit matin, le train s'arrête brièvement dans une gare que j'identifie : Birobidgian. En 1927 les soviétiques imaginèrent de créer une patrie pour les juifs et créèrent la région autonome qui porte ce nom. Plus de 40.000 juifs s'installèrent dans cette région. Hélas dans les années 30 la monté de l'antisémitisme n'épargna pas cette région qui connut une vague d'interdictions de toutes sortes. Dans les années qui suivirent la fin du régime soviétiques de nombreuses personnes ont quitté cette région pour émigrer vers Israël.
Nous avons quitté la Sibérie, nous voyageons dans l'extrême orient Russe.
Je discute à nouveau avec Ingue. Son parcours va l'amener à partir de Khabarovsk vers Komsomolsk. Elle me dit que la route est très bonne, mais qu'elle conservera le train.
Dans mon projet de route en voiture j'avais eu envie de faire une escapade vers cette ville, mais les informations sur l'état des routes étaient contradictoires. Ma curiosité était mue par le passage par le site de Sikatatchi Alian qui recèle de curieux pétroglyphes remontant plus de 10 siècles avant J.C. Il s'agirait de motifs géométriques gravés sur des rochers basaltiques. Je remets à plus tard ….
Je guette le franchissement du fleuve Amour. Les abords du pont sont protégés par un dispositif de double rangée de barbelés, et il y a des gardiens. Le pont fait deux kilomètres de long pour traverser ce fleuve immense qui fait au sud, frontière avec la Chine. Dès le franchissement terminé le train rentre en gare de Khabarovsk.
Il fait très chaud. Je rejoins Thomas et Gustav et nous discutons de nos voyages. Un peu avant Vladivostok les jeunes militaires descendront dans une gare solitaire. Le lieutenant leur fait prendre leurs alignements et les met au garde à vous. Leur enfance est terminée. Ils laissent dans le wagon des rations entamées. Les voyageurs restant vont se les partager.
jeunes appelés | rations |
Nos deux provodnitsa commencent à nettoyer le wagon. Le train a deux heures de retard. Elles s'attardent un peu à regarder les photos du voyage de Thomas et Gustav.
Je guette les lumières dans la nuit qui annonceront l'arrivée. La voie longe la mer pendant un assez long moment. Je discerne des silhouettes de bateaux dans de petites criques. Puis nous débouchons dans la gare brillamment éclairée. J'ai beaucoup souhaité ce moment. Il est là. Déjà la conductrice du taxi qui m'attend agite une pancarte à mon nom. Les derniers voyageurs du wagon s'éclipsent. Mes amis Suédois vont profiter de mon taxi pour rejoindre leur hôtel, il est 3H 20 du matin (heure locale). Je n'ai pas sommeil.
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