samedi 10 novembre 2012



Beaudelaire (1821-1867) . Pour l'enfant, amoureux de cartes .

1. Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah! que le monde est grand à la clarté des lampes!
Aux yeux du souvenir que le monde est petit!

2. Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

3. Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

4. Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

5. Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

6. Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !


En Juin 1841 Beaudelaire a vingt ans, il embarque sur un paquebot partant pour l’Inde. Sa famille souhaite l'éloigner de ses fréquentations douteuses. Après l’Île Maurice puis l’Île Bourbon, Baudelaire veut regagner la France . Il y est de retour en février 1842. Il en ramène un « Amer savoir » du voyage mais aussi images exotiques, sources constantes d’inspiration.
Il se fera connaître en traduisant les oeuvres d'Edgard Poe à partir des « salons littéraires» de 1842.

Le recueil des Fleurs du Mal paraît en juin 1857. Le livre fait scandale et le parquet déclenche des poursuites ! Ceci n'empêchera pas une seconde édition des Fleurs du Mal en 1861.

A partir de 1862 Beaudelaire publie une série de feuilleton dans La Presse et de Petits poèmes en prose. La première publication du volume complet sera posthume (1869).

Le poète meurt à l’âge de quarante-six ans en 1867; jusqu’à son dernier jour aucune de ses infirmités ne l’a quitté , ni les rhumatismes, ni les cauchemars.