01 Juin Slovénie

Ce matin j'ai quitté le bourg italien sous une brume de chaleur qui m'a accompagné jusqu'à la frontière SLOVENE. Les bourgs traversés avant de rejoindre l'autoroute sont assez proches les uns des autres et la vitesse est généralement limitée à 70KM/H.

La progression est lente et permet de recevoir les bouffées de parfum des tilleuls qui ornent ces villages de briques rouges.

J'ai vu l'embranchement pour Venise mais j'ai décidé de sauter cette étape car je suis parti avec 8 jours de retard sur mon planning. Mes dates de visa pour les pays en « Stan » sont fixes, donc je ne veux pas courir le risque de me trouver en manque de temps.

Et puis Venise ça se visite à deux.

La route vers la Slovénie n'offre pas grand intérêt jusqu'à la frontière, ensuite elle escalade les contreforts Alpins et grimpe à plus de 600M d'altitude. Ensuite elle descend dans une plaine fertile qui se prolonge après la capitale LJUBLJANA. Le contournement de cette ville a été infernal : plus d'une heure à mijoter dans une chaleur humide.

Ensuite il y a eu des orages. Les fonds de vallée sont superbes et recèlent des petits bijoux de village. J'avais déjà remarqué l'an passé le caractère attachant de ce pays et j'espère que demain le soleil se montrera afin que je puisse faire quelques photos. La pluie s'est accentuée, alors le chien et moi avons décidé de faire escale dans un camping à coté de la localité de PREBOLD.

Et en rédigeant ce texte je ne peux m'empêcher de repenser à Venise qui introduit une cohérence dans ce voyage.

Au 12eme siècle Venise exerce une suprématie économique et maritime. C'est à la fois le banquier et le transporteur de troupes de l'Europe féodale.

Le domaine des croisés en Syrie et Palestine n'est finalement qu'une enclave assez petite face au monde musulman. Au moment où les croisés sont en difficulté les mongols apparaissent comme la seule puissance capable de s'opposer durablement à l'islam. En effet lors de la guerre du Khwarezm (1218-1221) les troupes de Gengis Khan envahirent ce khalifat situé entre les deux grands fleuves, et prolongèrent leur guerre d'extermination jusqu'à Bagdad. La Syrie défendue par l'Égypte étant le dernier barrage islamique empêchant la jonction entre les Mongols et l'occident.

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Les deux forces militaires et spirituelles d'occident, le pape et le roi de France, envoient successivement des émissaires pour rechercher une alliance avec les Mongols. Les résultats de ces échanges seront assez faibles. Il y a une incompréhension réciproque entre ces deux pouvoirs. D'autant plus que le clivage proposé par les occidentaux est basé sur l'appartenance religieuse alors que les souverains Mongols sont entourés d'une bureaucratie bouddhiste ou musulmane et que les chrétiens nestoriens coupés du contrôle de Rome abritent de nombreux charlatans.

C'est dans ce contexte que débute l'aventure des frères Polo. Marco Polo (dit le vieux), frère ainé de Nicolo et Mafeo s'était établi à Constantinople avec une antenne à Soudak en Crimée. C'est là qu'aboutissait la route des fourrures. Ils s'enfoncent dans la steppe mais au bout d'un an apprennent que la route du retour est coupée. La mer noire était tombée aux mains des génois et la route du Caucase était coupée par la guerre. Il ne leur reste qu'à progresser vers l'Est. Vers Boukhara. C'est la route de la soie contrôlée alors par un vassal de Koubilai Khan souverain de la Chine et empereur des Mongols !

Ils vont rester trois ans dans cette région avant de s'embarquer pour la Chine. Ils y passent l'été 1266 et Kubilai qui a apprécié leur contact décide de les envoyer en ambassadeurs à Rome. Kubilai demande qu'on lui envoie « jusqu'à cent hommes savants à enseigner la doctrine chrétienne ». Ils deviennent porteurs d'un nouvel espoir pour l'occident. Ils disposent d'un laisser passer qui leur assure une immunité personnelle et donc probablement aussi l'occasion de réaliser des affaires commerciales...

En arrivant en 1269 sur les bords de la méditerranée ils apprennent que le pape est mort et son légat ne veut rien décider avant l'élection du nouveau pape. Cette élection traînera plusieurs années et ce sera finalement le légat qui sera élu. Craignant que Koubilai ne s'inquiète de leur absence ils décident de repartir au printemps 1272. Mais le pape ne leur a donné que deux moines qui se déroberont au premier danger. Marco « le jeune » fils de Nicolo fait partie de cette expédition.

Ils mettront trois ans pour retourner auprès de Koubilai. Mais ce dernier s'est engoncé dans le carcan des structures millénaires de l'empire Chinois et s'est fermé à l'idée d'une conversion au christianisme. Les Polo s'installent dans les structures administratives mongoles et y exercent diverses charges durant plusieurs années.

Ils ne vont trouver l'occasion de retourner en occident qu'en 1291. Il s'agit d'escorter jusqu'au souverain mongol de Perse (Arghoum) une nouvelle épouse. Il est devenu veuf et souhaite une nouvelle épouse issue de la même tribu que sa première femme. Marco Polo qui est devenu familier des mers du sud propose de servir de guide pour un voyage par mer. Ce voyage durera trois ans dont cinq mois d'arrêt à Sumatra. Entre temps Arghoum est décédé et la jeune femme sera remise à son fils.

En 1295 les Polo sont de retour à Venise. Mais Marco sera fait prisonnier en 1298 par les génois dans une de ces multiples petites guerres que se livrent les deux villes. C'est dans leur geôle qu'il écrira son récit pour tromper son ennui.

Il fera ensuite un riche mariage d'où trois filles naîtront et il poursuivra une vie paisible.

Le livre des merveilles décrit des régions qui ne seront à nouveau parcourues par des européens qu'au 19 ème siècle.

Je vais parcourir certaines d'entre elles et mettre mes pas dans ceux d'illustres voyageurs.