Beaudelaire (1821-1867) . Pour
l'enfant, amoureux de cartes .
1. Pour l'enfant, amoureux de cartes et
d'estampes,
L'univers est égal à son vaste
appétit.
Ah! que le monde est grand à la clarté
des lampes!
Aux yeux du souvenir que le monde est
petit!
2. Un matin nous partons, le cerveau
plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs
amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la
lame,
Berçant notre infini sur le fini des
mers :
3. Les uns, joyeux de fuir une patrie
infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux,
et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une
femme,
La Circé tyrannique aux dangereux
parfums.
4. Pour n'être pas changés en bêtes,
ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux
embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui
les cuivrent,
Effacent lentement la marque des
baisers.
5. Mais les vrais voyageurs sont
ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers,
semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne
s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent
toujours : Allons !
6. Ceux-là dont les désirs ont la
forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le
canon,
De vastes voluptés, changeantes,
inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su
le nom !
En
Juin 1841 Beaudelaire a vingt ans, il embarque sur un paquebot
partant pour l’Inde. Sa famille souhaite l'éloigner de ses
fréquentations douteuses. Après l’Île Maurice puis l’Île
Bourbon, Baudelaire veut regagner la France . Il y est de retour en
février 1842. Il en ramène un « Amer savoir » du voyage mais
aussi images exotiques, sources constantes d’inspiration.
Il
se fera connaître en traduisant les oeuvres d'Edgard Poe à partir
des « salons littéraires» de 1842.
Le
recueil des Fleurs du Mal paraît en juin 1857. Le livre fait
scandale et le parquet déclenche des poursuites ! Ceci n'empêchera
pas une seconde édition des Fleurs du Mal en 1861.
A
partir de 1862 Beaudelaire publie une série de feuilleton dans La
Presse et de Petits poèmes en prose. La première publication du
volume complet sera posthume (1869).
Le
poète meurt à l’âge de quarante-six ans en 1867; jusqu’à son
dernier jour aucune de ses infirmités ne l’a quitté , ni les
rhumatismes, ni les cauchemars.
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